Quelle est votre fonction au sein du laboratoire M2C et sur quelle thématique travaillez-vous ?
Je suis Professeur des universités et membre du conseil du laboratoire Morphodynamique continentale et côtière (M2C) de l’université de Rouen Normandie.
Ma thématique générale concerne les géosciences (auparavant plus souvent nommées sciences de la Terre) et l’environnement.
Plus spécifiquement, je travaille sur les évolutions géologiques des territoires liés à l’eau (côtes, estuaires, rivières, etc.) en lien avec le changement climatique. Je m’appuie sur des outils de mesure variés (capteurs in situ, caméra vidéo, drone, Lidar aéroporté, satellites…) qui permettent de mener les recherches à toutes les échelles de temps et de territoires.
Pourriez-vous nous décrire en quelques lignes votre parcours de chercheur ?
Après un doctorat en sciences de la Terre de l’université de Rouen en 1997, j’y ai été recruté Maître de conférences en 1998, au sein du département de géologie (aujourd’hui géosciences et environnement) et du laboratoire M2C. J’y ai poursuivi ma carrière jusqu’à aujourd’hui où j’y suis Professeur (depuis 2004). J’ai obtenu l’Habilitation à diriger des recherches en 2003.
J’ai été aussi Chercheur associé dans un laboratoire de la NASA en 2018-2019 et je suis Professeur associé à l’université Senghor de la francophonie d’Alexandrie depuis 2010.
Quels sont les différents projets de recherche auxquels vous participez (projets régionaux, nationaux et internationaux) ou que vous portez ?
Depuis le début de ma carrière, j’ai participé à plus de 40 projets de recherche, de l’échelle régionale à l’échelle internationale.
Actuellement, par exemple, je coordonne ou participe à des travaux internationaux, pour la NASA ou encore le Centre d’études spatiales, sur les applications du satellite nouvelle génération SWOT (Surface, Water, Ocean, Topography) dans l’étude des environnements côtiers et estuariens.
Je travaille aussi pour le SCO (Space climate observatory), un groupe informel d’agences spatiales et d’organismes internationaux, comme les Nations unies, qui vise à organiser à l’échelle mondiale la surveillance des conséquences du changement climatique. Dans ce cadre je coordonne un projet sur le littoral de Saint-Louis au Sénégal, une des villes les plus affectées au monde par l’érosion côtière.
A l’occasion d’un projet franco-indien (la mission TRISHNA), je coordonne une recherche sur l’observation des échanges d’eau dans les zones côtières grâce à un outil satellite de mesure de la température par infra-rouges.
L’Agence nationale pour la recherche a développé un programme interdisciplinaire de recherche sur la gestion des territoires côtiers à risques dans un contexte de changement global (RICOCHET) pour lequel je coordonne un des axes.
En parallèle, je travaille avec des acteurs plus locaux : la Région Normandie (et la Fondation de France) pour la coordination de l’axe « Statistique et modélisation » du projet RAIV Cot (Risque et aléa inondation de villes côtières) ou encore l’Agence de l’eau Seine qui finance un programme d’évaluation des politiques publiques en matière de réduction des impacts du ruissellement.
Vous êtes membre du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Quel est votre rôle dans cette organisation ?
Je suis président du GIEC local dans le cadre de la COP 21 de la Métropole de Rouen Normandie et co-président du GIEC normand.
Ma contribution est de participer à la relecture des rapports du GIEC et de donner mon avis sur leurs contenus en fonction de mes connaissances scientifiques.
Comment peut-on décliner à l’échelle locale les conclusions du GIEC ? (GIEC Métropole de Rouen, GIEC normand)
Le changement climatique est une réalité en Normandie. Les travaux en cours montrent clairement que notre région a connu ces dernières décennies une augmentation de la température, une diminution du nombre de jours de gel et de brouillard ainsi qu’une élévation du niveau de la mer. Les projections à l’horizon 2100 indiquent que la température continuera de s’élever et que les précipitations moyennes annuelles diminueront, tandis que les précipitations extrêmes, les épisodes de canicule et sécheresse comme le niveau de la mer augmenteront. Ces changements ne seront pas sans conséquences sur le territoire normand. Ils se ressentiront sur ses écosystèmes continentaux, marins et littoraux, son économie et la santé de ses habitants si nous ne prenons pas rapidement les mesures appropriées pour nous adapter.
Comment une université telle que celle de Rouen Normandie peut-elle s’emparer de ces enjeux de développement durable ?
C’est parce qu’elle est pluridisciplinaire que l’université de Rouen Normandie fait partie des plus à même de traiter ces enjeux.
Elle est d’ailleurs engagée dans une démarche de développement durable et de qualité de vie au travail (QVT) depuis plus de 10 ans, avec plusieurs actions concrètes : démarche QVT, plan de déplacement, gestion de l’énergie, tri sélectif des déchets, gestion différenciée des espaces verts, création d’un site internet dédié…
Le positionnement clair de l’université de Rouen Normandie, en faveur de la lutte contre le changement climatique avec une motion signée par le conseil d’administration en mars 2019 et sa candidature au label DD&RS (développement durable et responsabilité sociétale) en octobre 2019, a permis de formaliser et valoriser l’engagement de toute la communauté universitaire en faveur des enjeux de durabilité. Une réflexion de fond a pu émerger aussi sur la pertinence d’un système d’évaluation de la démarche.
Aujourd’hui, l’université travaille avec l’ensemble de ses partenaires (collectivités locales, entreprises, institutions académiques…) sur une stratégie partagée, plus globale sur l’ensemble de ses missions. Ses pratiques doivent résolument s’inscrire dans l’engagement d’un service public en phase avec les objectifs de développement durable (ODD).
Pour la formation, il s’agit d’amener les futurs citoyens et les personnels à appréhender les enjeux de responsabilités sociétales et développement durable (RSDD) dans leurs actions individuelles et collectives. Ensuite, intégrer à la recherche l’ensemble des enjeux RSDD suppose de rendre systématique une approche globale et interdisciplinaire, et cela doit s’organiser au sein de l’établissement. Enfin, pour favoriser une vision RSDD partagée, l’université doit inclure ces enjeux dans sa gestion et son organisation pour permettre de développer de nouvelles modalités d’implication de tous les acteurs.
Pourriez-vous en ce sens nous citer quelques exemples de projets ou de réalisations envisagées à l’université de Rouen Normandie ?
Les laboratoires de l’université de Rouen Normandie répondent déjà en partie aux enjeux des ODD définis par les Nations Unies. L’enquête menée lors de la candidature au label DD&RS a permis de mieux estimer l’implication de nos laboratoires autour de ces enjeux de développement durable : on a pu identifier 150 projets en lien avec les ODD et l’ensemble des 18 ODD sont représentés. Les 5 ODD qui ressortent majoritairement sont la santé, l’eau, les énergies renouvelables, le changement climatique et la biodiversité.
Cependant, ces projets restent trop cloisonnés et insuffisamment pluridisciplinaires. Ceci nécessite une meilleure coordination et la mise en place d’actions incitatives afin de fédérer la recherche autour du RSDD et de faire émerger plus de projets structurants sur ces thématiques.
Le GIEC normand et celui de la Métropole de Rouen Normandie sont des bons exemples de projets structurants où l’université de Rouen Normandie est un moteur.
D’autres projets fédérateurs, pouvant servir de modèles, ont émergé au cours de cette année universitaire si particulière :
– Un projet pluridisciplinaire autour de l’incendie de Lubrizol : Conséquences potentielles pour l’Homme et l’environnement, perception et résilience (COP HERL) ;
– Une réflexion est en cours sur la création d’un observatoire multirisques (risques naturels/environnementaux, industriels/technologiques, sanitaires…) en partenariat avec les collectivités locales notamment.